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Intérêt restreint, hypomanie : ma passion est-elle pathologique ?

  • moi
  • 22 juil.
  • 5 min de lecture

Comme tout le monde, j’ai des passions, des sujets qui m’enthousiasment, des livres que je lis d’une traite et des occupations qui me rendent heureuse. Pourtant, je connais mes troubles et leurs symptômes. Et je sais que derrière une passion qui semble anodine, je peux retrouver les signes de mon autisme, de ma bipolarité. Alors dois-je m’inquiéter quand je monologue à une soirée sur les différents modèles d’hélicoptères ? Ou quand je passe la nuit à lire des romans de mon auteur préféré ?

Différencier passion, symptôme d’hypomanie, intérêt restreint est compliqué. Mais surtout, cela devient anxiogène de devoir s'interroger en permanence sur le caractère problématique ou non d'une nouvelle activité. Alors comment mes troubles psy influent sur ce que j'aime faire et est-ce inquiétant ?


Intérêt restreint, hypomanie : de quoi parle-t-on ?


Mon expérience m'a fait prendre conscience d'une chose : il est loin d'être facile de démêler les signes de mes divers troubles. Et pourtant, confondre un symptôme d'hypomanie avec un intérêt restreint par exemple peut mener à retarder la prise en charge d'une phase d'un trouble bipolaire. Alors avant de montrer comment le cumul de mes troubles rendent compliqué le distinguo entre mes symptômes, il me paraît nécessaire de les redéfinir individuellement.


Intérêt restreint : un comportement caractéristique dans l'autisme

La majorité des autistes (dont moi) ont des intérêts restreints, c'est-à-dire des centres d'intérêt dont le sujet ou l'intensité paraît anormal aux autres. J'ai surtout eu des intérêts restreints qui se démarquaient par leur thématique inhabituelle : apprentissage des langues, géométrie algébrique, histoire économique du 18e siècle, etc. Mais même si mon intérêt pour la littérature fantasy au collège semblait plus commun, il me poussait à établir des listes de lecture interminable pour mes interlocuteurs. Il faut avoir en tête que quand je parle d'une intensité anormale, il m'arrive d'oublier de manger ou de dormir tant je suis absorbée.

Contrairement à certaines idées reçues, les intérêts restreints sont variés et peuvent changer dans le temps. Aujourd'hui, j'ai perdu tout attrait pour les mathématiques alors que je conserve mon goût pour les langues étrangères. Il arrive aussi que mes intérêts soient cycliques : pour l'histoire par exemple, j'alterne entre quelques thématiques qui reviennent. Et il est parfaitement possible d'avoir plusieurs intérêts restreints en même temps.

Dans tous les cas, les intérêts restreints, mêmes s'ils peuvent donner l'impression de couper du monde, ont une vraie utilité pour les autistes, notamment pour la régulation émotionnelle, l'estime de soi et même la création de liens sociaux.


Excitation et projet dans une phase hypomaniaque

Les phases hypomaniaques sont les phases hautes de la bipolarité de type 2. Dans ce cas, il n'y a pas d'idées délirantes mais des symptômes d'excitation, d'euphorie et une multitude de projets. Quand je suis en hypomanie, je me découvre de nouvelles passions, la programmation informatique, la vaccinologie, l'histoire contemporaine de l'Afrique, etc. Je peux aussi avoir une forme de sentiment de grandeur, avec la certitude qu'il faut que je devienne la spécialiste de ce nouveau domaine d'étude. Cela s'accompagne souvent d'achats de nombreux livres sur le sujet, d'un coup. Et bien sûr, je ne ressens pas la fatigue donc mes recherches se poursuivent toute la nuit. Et du fait de la désinhibition sociale qui l'accompagne, j'ai tendance à monologuer sur le sujet dès que quelqu'un m'en laisse l'occasion.

Contrairement aux intérêts restreints, une hypomanie n'est pas utile, au contraire. Laisser s'installer les symptômes hypomaniaques revient à prendre le risque d'une rechute dépressive et à plus long terme de l'apparition de nouveaux épisodes.


Et quand on cumule autisme et bipolarité ?


On le voit, il n'est pas si simple de savoir ce qui relève de l'hypomanie ou de l'intérêt restreint. Et pourtant, autant il ne sert à rien d'empêcher un autiste de se livrer à ses intérêts restreints, autant il faut réussir à faire retomber une hypomanie. Avoir des clés pour distinguer les deux m'est donc parfois utile pour déterminer si je dois m'inquiéter.


Similitudes qui prêtent à confusion

Dans ce que j'ai évoqué, on voit assez vite que je peux avoir le même comportement pendant une hypomanie que quand je me consacre à mon intérêt restreint. Prenons le cas des moments où je me lance dans de longues explications historiques face à un interlocuteur qui tente de mettre fin au bout d'un moment à mon monologue. Il peut s'agir de symptômes hypomaniaques, associant le fait de parler beaucoup, d'être suffisamment désinhibée et en recherche de contacts sociaux pour ne pas tenir compte de mon interlocuteur, avec une augmentation de la confiance en soi. Tout cela rentre dans le cadre d'une hypomanie. Mais on peut aussi le voir comme une manifestation de l'autisme et d'un intérêt restreint. Je peux alors penser que mes explications historiques sont un moyen d'entrer en contact avec l'autre, ne pas saisir les signaux implicites de mon interlocuteur et donc poursuivre mon monologue sans comprendre qu'il n'intéresse pas l'autre. Parler longuement d'un sujet que je maîtrise et qui me passionne est donc alors un moyen de me rassurer et de rester dans une certaine routine.

Pour prendre un autre exemple, si je passe la nuit à faire des exercices de mathématiques, on peut encore l'expliquer des deux manières. Si on prend le partie de considérer qu'il s'agit d'un signe d'hypomanie, l'absence de sommeil, le fait de se lancer dans de nouveaux projets sont assez caractéristiques. Si maintenant on le voit comme un intérêt restreint, on peut considérer que l'intensité manifeste de cet intérêt conduit à un oubli des besoins fondamentaux, le tout potentiellement renforcé par des difficultés à ressentir la fatigue.

On le voit à travers ces deux exemples, plusieurs interprétations sont possibles.


Distinguer intérêt restreint et hypomanie : quelques pistes

Il n'y a pas de recettes miracles mais j'ai fini par trouver quelques astuces pour distinguer l'un de l'autre. Cela nécessite comme toujours de bien se connaître et de s'observer au quotidien. C'est parfois sans doute plus anxiogène qu'utile mais cela m'a plusieurs fois permis de me prendre en charge à temps. Le plus dur reste quand tout est tellement entremêlé en terme de symptômes qu'il devient impossible de faire des distinctions.

Néanmoins, les hypomanies ont certaines caractéristiques que les intérêts restreints n'ont pas. D'abord, a posteriori, elles sont bien plus brèves et arrive plutôt brutalement. J'ai des intérêts restreints qui durent depuis mes six ans, c'est évidemment impossible avec une hypomanie. Mais surtout, si je veux les reconnaître sur le moment, j'ai tendance à suspecter une hypomanie si :


  • ma nouvelle passion est principalement nocturne : même si je peux me consacrer à un intérêt restreint la nuit, je vais aussi le faire en journée.

  • elle entraîne des dépenses rapides : dans le cas d'un intérêt restreint, j'ai tendance à d'abord faire le tour des ressources gratuites

  • je parle très vite en sautant du coq à l'âne : mes monologues sur un intérêt restreint peuvent être très enthousiastes mais restent centrés sur un sujet

  • je suis dispersée, je commence plusieurs projets à la fois : j'ai rarement deux intérêts restreints qui commencent au même moment et je suis capable de me concentrer dessus

  • j'ai tendance à penser que je peux devenir spécialiste du sujet : dans le cas d'un intérêt restreint, je cherche avant tout le plaisir d'apprendre


Cette liste n'est pas exclusive mais elle me donne aujourd'hui une base pour savoir ce qu'il en est. J'espère la perfectionner peu à peu et trouver d'autres critères, notamment pour les situations où les deux sont entremêlés et où l'hypomanie vient renforcer un intérêt restreint préexistant.

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