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Mon autisme n'est pas léger

  • moi
  • 30 avr.
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 juin

J'entends souvent parler d'autisme léger pour désigner "ma" forme d'autisme, le trouble du spectre de l'autisme sans déficience intellectuelle (TSA SDI). Souvent il s'agit d'un abus de langage, d'un raccourci pour nommer ce qu'on appelait pendant longtemps le syndrome d'Asperger. C'est un moyen de dire que mon autisme est moins visible que d'autre, ce qui paraît assez évident quand on songe à une personne autiste non-verbal par exemple.

Mais parler d'autisme léger ce n'est pas seulement employer un terme plus court que "TSA sans déficience intellectuelle". C'est aussi véhiculer l'idée que ce n'est pas si handicapant. Combien de fois j'entends qu'on est "tous un peu autiste", que c'est simplement de l'anxiété sociale ou qu'il s'agit d'une différence de fonctionnement et non d'un handicap réel ? Je sais que ce n'est généralement pas mal intentionné. Mais cela m'a longtemps empêché d'accepter mon handicap donc je pense que cela mérite que j'en parle.


L'autisme est un spectre


Parler de spectre de l'autisme est une manière d'insister sur la pluralité de l'autisme. Le diagnostic d'autisme repose sur une dyade, d'un côté les symptômes relevant d'un déficit dans les interactions sociales, de l'autre les symptômes sensoriels et liés aux comportements répétitifs (pour ceux qui veulent, je vous renvoie à mon articles sur mes symptômes d'autisme). Ainsi, chaque personne autiste a une intensité de symptômes différentes sur chacun des critères.

Dans mon cas, j'ai surtout des hyposensibilités sensorielles, ce qui est peu handicapant au quotidien, par rapport à quelqu'un obligé de sortir systématiquement avec des lunettes de soleil. Mais mon hyposensibilité à la douleur peut se révéler dangereuse. J'ai assez peu de comportements répétitifs ou du moins ils sont peu visibles. Par contre au niveau des interactions sociales, j'ai des difficultés très marquées pour comprendre l'implicite et notamment l'humour, plus que d'autres autistes. Cela entraîne une anxiété très handicapante.

Parler de spectre autistique permet donc de prendre en compte toutes ces distinctions, en partant du principe qu'elle forme un continuum. Il ne s'agit pas de définir qui est le plus handicapé mais bien de voir que dans la multitude de symptômes à prendre en compte, tous ne sont pas au même niveau.


Le "masking" ou la sur-adaptation au quotidien


On me dit parfois qu'on ne voit pas que je suis autiste et je ne sais jamais comment le prendre. Globalement c'est un compliment mais cela me donne toujours l'impression que personne ne se rend compte de mes efforts. Car si on ne voit pas mon autisme, si je n'ai été diagnostiquée qu'à 20 ans, c'est bien que je m'adapte au quotidien pour ressembler aux autres. Cette adaptation n'est pas forcément consciente mais elle est épuisante.

En parlant d'autisme léger, on me donne l'impression de ne prendre en compte que ce que je montre sans considérer comment je m'adapte. Je suis capable de tenir une conversation mais je dois me concentrer pour regarder mon interlocuteur. Je suis aussi toujours en train de me demander s'il est ironique par exemple. Puisque je sais que je perçois moins facilement les émotions, je suis attentive au moindre signe qui me rappelle d'autres situations. Globalement j'analyse chaque fait et geste pour essayer d'avoir la bonne réaction, même quand elle ne me paraît pas naturelle. Parfois, je copie les gestes ou les déplacements des autres. En fait, puisque j'ai conscience de ne pas fonctionner comme les autres, je cherche à faire semblant.

C'est cela qu'on appelle masking, car cela donne véritablement l'impression de porter un masque en permanence pour être comme tout le monde. Dans bien des situations, c'est un automatisme et je m'en rends à peine compte. Pourtant cela génère toujours une grande fatigabilité dont on ne se rend pas compte de l'extérieur.


Quand l'anxiété s'ajoute


Je sais que je suis autiste, je sais ce quelles interactions je ne comprends pas, lesquels de mes comportements paraissent étranges et pourtant je tiens à paraître la plus "normale" possible. Ou du moins, je veux pouvoir fréquenter des gens qui n'ont pas de troubles et qui ne savent pas forcément que j'en ai. J'ai donc parfaitement conscience que les réactions qui me semblent logiques sont parfois vu comme inappropriées ou que je passe à côté de certaines situations. Le masking est donc une manière de pallier ces difficultés, mais ça ne marche pas toujours, surtout vu la fatigue qui en découle.


Anticiper les attentes

Chercher à adapter son comportement aux attentes des autres, cela revient à deviner ces attentes. Je me retrouve à réfléchir en permanence à ce que je suis censée faire ou dire. Dans de nombreuses situations habituelles, j'ai des automatismes. Mais il suffit d'une situation nouvelle ou un peu complexe (typiquement dès qu'il y a plusieurs personnes) pour me sortir de mes schémas. Il s'agit alors de penser à toutes les hypothèses, dans tous les domaines de la décision à prendre. Et quand je parle de décision, il faut imaginer que tout y passe, depuis le choix de la table au café jusqu'au fait de dire "salut" ou "bonjour". On imagine assez facilement l'anxiété générée par cette anticipation constante des attentes. D'autant plus que ce sont des attentes qui ne me paraissent pas forcément logiques.

Il y a donc de l'anxiété anticipatoire puisque j'essaie d'agir en fonction des réactions et des attentes que j'anticipe. Mais il y a aussi de l'anxiété a posteriori.


Les ruminations anxieuses après coup

D'abord, comme je l'ai dit, je comprends mal l'implicite. Cela vaut pour l'humour et le second degré en général mais aussi par exemple quand on me drague sans le dire clairement. J'ai quand même une compréhension des relations sociales et de la communication suffisamment bonne pour saisir qu'il y a peut-être de l'implicite. Parfois je le saisis après coup mais même si je le sens sur le moment je ne vois pas comment le vérifier. Et l'incertitude génère une anxiété assez importante car je me repasse la situation en boucle pour essayer de m'assurer que je ne suis pas passée à côté d'un élément de la situation. Et comme j'ai la quasi certitude que c'est le cas mais que je ne peux pas savoir lequel, je peux angoisser longtemps.

Le deuxième type de situation est quand je sais que ma réaction est apparue comme inappropriée ou étrange. Cela arrive quand je suis fatiguée notamment ou que j'estime mal une situation, notamment en groupe. Dans ce cas, je suis capable de ruminer très longtemps ce que j'aurais dû faire ou ne pas faire. Et puisque je fonctionne par imitation, sans comprendre forcément d'où vient le problème, je vais craindre toutes les situations un peu similaires.


Que ce soit pour l'anxiété ou la fatigue, la difficulté vient du fait que je suis entre-deux. Je me connais bien, je connais mon trouble et je me suis suffisamment renseignée sur les relations sociales pour donner l'impression d'être comme tout le monde. Mais parce que c'est un effort d'adaptation constant, c'est une source d'anxiété et de fatigue très importante. C'est un handicap réel, trop souvent minimisé. Et parler d'autisme léger contribue à mon sens à masquer cette réalité.

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