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Particularités sensorielles : tous les autistes ne sont pas hypersensibles

  • Rédactrice d'autiste et bipolaire
  • 12 août
  • 6 min de lecture

Les difficultés sensorielles sont peut-être le critère diagnostique le moins connu dans l'autisme. Et même pour ceux qui en ont déjà entendu parler, l'idée qui revient souvent est celle d'une hypersensibilité. On imagine souvent les autistes agressés par la lumière ou se bouchant les oreilles sans penser que l'autisme peut aussi entraîner des hyposensibilités. Et on ne se rend pas toujours compte que les particularités sensorielles ne concernent pas seulement la vue ou l'ouïe. Je vais donc vous présenter ce qu'il en est pour moi afin de donner un bref aperçu de la diversité des problématiques sensorielles dans l'autisme.


Les sens concernés et comment ils sont traités dans l'autisme


Quand on s'intéresse aux sens chez les personnes autistes, on se rend vite compte qu'on ne peut pas se limiter aux cinq sens dont on a l'habitude. Bien sûr, la vue, l'odorat, le toucher, l'ouïe et le goût sont souvent impliqués dans des problèmes d'hypo- ou d'hypersensibilité. Mais à cela, il faut aussi rajouter quatre autres sens. Le système proprioceptif nous permet de percevoir la position de notre corps ou de parties de notre corps dans l'espace. C'est notamment à lui que l'on fait appel pour la coordination. Le système vestibulaire est celui qui prend en charge le mouvement et l'équilibre. Il est fortement lié à la vue et au système proprioceptif. Le système nociceptif est celui qui nous alerte sur les signaux douloureux, qu'ils soient internes ou externes. Et enfin, le système intéroceptif permet de ressentir des signaux corporels internes notamment la soif, la température corporelle, la faim...

Chaque personne autiste a ses propres particularités sensorielles et peut très bien être hyposensible au toucher et hypersensible à la vue par exemple, ou l'inverse. Pour certains sens, il peut aussi n'y avoir aucune particularité. Dans tous les cas, il ne s'agit pas d'un problème au niveau des organes servant à recevoir un stimuli. La particularité réside dans le traitement de l'information par le système nerveux et dans le seuil de détection du stimuli. Un seuil bas est associé à une hypersensibilité tandis qu'un seuil haut implique une hyposensibilité.

Concernant le traitement de l'information, on peut distinguer deux types de comportements pour l'hypersensibilité et deux pour l'hyposensibilité. Pour l'hypersensibilité, l'évitement est un comportement visant limiter activement l'exposition à un stimuli. Dans le cas contraire, la personne subit passivement le stimuli, ce qui occasionne de la fatigue et peut mener à des réactions disproportionnées. Pour l'hyposensibilité, il peut y avoir un comportement de recherche de stimulation ou à l'inverse une absence de réaction à des stimulis.


Concrètement, qu'en est-il de mes particularités sensorielles ?


Maintenant que j'ai pu expliquer à quoi je faisais référence en parlant de particularités sensorielles, il est temps de rentrer dans le détail de mes hypo- et hypersensibilités.


La vue

Contrairement à beaucoup d'autistes, je suis plutôt hyposensible. Je n'ai jamais compris l'intérêt des lunettes de soleil et j'ai clairement un comportement de recherche de stimuli visuels. J'aime beaucoup voir des étincelles par exemple, ça a même été une des raisons qui m'ont motivé à bricoler. Et cela étonne toujours que je m'approche très prêt d'une gerbe d'étincelles quand le réflexe est plutôt de s'éloigner. J'aime aussi les reflets de lumière en tout genre dans le miroir. Et je ne sais pas si cela peut être lié mais il semblerait que la lumière du soleil au printemps me déclenche des hypomanies (ce qui nécessiterait de rester dans le noir mais c'est une autre histoire...)


L'ouïe

Pour le coup, je colle au cliché de l'autiste qui a besoin d'un casque anti-bruit. Je suis clairement hypersensible au bruit, sauf quand il s'agit des machines industrielles. Mais de ce cas, c'est difficile de dire si ce n'est pas simplement que je m'en accommode pour me consacrer à mon intérêt restreint. En tout cas, le casque anti-bruit a fait partie de mes premiers achats quand j'ai appris que j'étais autiste. C'était enfin le moment où je découvrais que mon épuisement dès que je prenais les transports ou entrait dans une salle de classe n'était pas normal. C'est donc une stratégie d'évitement du bruit, même si aujourd'hui je ne m'en sers plus systématiquement. Je ne sais pas si c'est que je tolère mieux le bruit, si je ne me rends pas compte de la fatigue que cela recommence à m'occasionner ou si j'ai moins d'activité donc moins de raisons d'être gênée.


L'odorat

Au vu du nombre de fois où je ne me rends pas compte des odeurs qui incommodent les gens autour de moi, je dois dire que je suis hyposensible. J'ai arrêté de compter le nombre de fois où on me dit qu'il est évident que quelqu'un à trop bu rien qu'à son odeur alors que je n'ai rien remarqué. Cela me pose peu de problèmes donc je me préoccupe rarement de mon absence d'odorat. Il n'y a que pour les gels douches que je peux être en recherche de stimulation olfactive donc j'en ai toute une collection. Ce qui est assez utile puisque c'est devenu ma principale motivation pour me laver. Ce qui montre qu'on peut tirer partie de ces problèmes de sensorialité.


Le toucher

Je trouve que c'est moins clair, mais globalement je suis plutôt hypersensible. Je ne supporte pas qu'on me touche, encore moins qu'on m'effleure (ce qui pose problème dans une foule). Un certain nombre de textures me dérange, par exemple le tissu mouillé ou même parfois mes cheveux. Et j'ai particulièrement du mal à porter des chaussettes et des chaussures. Je n'ai pas réussi à mettre au point beaucoup de techniques de compensation (à part ne pas mettre de chaussettes). Si ce n'est que la plupart de mes proches savent désormais qu'il faut éviter de me toucher sans s'être assuré que ça m'allait.


Le goût

A ma connaissance, il n'y a que ma répulsion pour les oeufs qui entre en ligne de compte aussi. On sous-évalue peut-être mais il ne s'agit pas de simplement de ne pas aimer les oeufs mais bien d'une forme d'intolérance qui me rend malade. Mais à part ça, je ne crois pas avoir de particularités sensorielles gustatives.


Le système intéroceptif

Que ce soit la température, la soif, la faim, la fatigue, je suis parfaitement hyposensible. Et dans ce cas, il s'agit vraiment d'une absence de perception des stimuli qui fait que tout le monde se rend compte que je suis épuisée avant moi. J'ai mis des années à m'en rendre compte et à le faire comprendre aux autres. Et pendant longtemps je ne faisais aucun lien logique entre mes sensations corporelles et ce que j'étais censée ressentir. Je grelottais sans en déduire que j'avais froid ou mes yeux se fermaient tout seul sans que je comprenne que c'était parce que j'étais fatiguée. Il a fallu quelques discussions pour qu'on me l'explique et aussi pour que je comprenne que c'était automatiques pour les autres. Aujourd'hui, je n'ai toujours aucun moyen de percevoir de nombreux signes mais j'y suis plus attentive et surtout, plutôt que de me baser sur mes perceptions, j'intellectualise beaucoup pour compenser.


Le système nociceptif

Là encore, c'est le même problème que pour le système intéroceptif. Je ressens très mal la douleur au point de dire que je "finis par me rendre compte d'une fracture". Et je suis parfois passer à côté de blessures assez graves comme une entorse ou une brûlure. Et donc maintenant je sais que je ne peux pas attendre d'avoir mal donc je compense en vérifiant que je ne me suis pas blessée quand il y a un risque. Et je sais aussi que quand un médecin me demande à combien j'ai mal sur une échelle de 1 à 10, il faut forcément que je dise plus que ce que j'aurais dit instinctivement. Par contre je ne crois pas avoir de comportement de recherche de stimuli.


La proprioception

Je ne m'étais jamais vraiment posé la question mais je pense qu'on peut dire que je suis hyposensible. En tout cas, j'ai des soucis de coordination qui m'ont fait abandonné l'idée de passer le permis de conduire. Quant à la position de mon corps dans l'espace, j'ai remarqué que j'avais beaucoup de mal à évaluer les distances. Il semblerait donc que ma tendance à cogner dans des objets ne soit pas un problème d'attention mais bien une question de savoir où je me situe par rapport à lesdits objets. Et je sais que j'apprécie d'avoir une couverture lestée sur moi, ce qui peut être une stratégie de recherche de stimuli au niveau proprioceptif afin de mieux percevoir son corps.


Le système vestibulaire

Pour ce dernier j'ai peut-être une légère hyposensibilité, sans certitude. En tout cas, je ressens parfois le besoin de me balancer ou de tourner rapidement sur moi-même, ce qui peut signifier un besoin de stimulation à ce niveau. Mais je dois avouer que ce n'est pas très net.


Ainsi, on voit que les sensibilités sensorielles sont diverses et qu'il existe aussi différentes manières d'y répondre. Cela provoque bien souvent une gêne qu'il faut apprendre à compenser mais parfois on peut aussi en tirer partie. Dans tous les cas, j'ai pu commencer à travailler dessus quand j'ai réussi à me connaître. Comprendre comment je réagissais à ces stimulis a été la première étape pour savoir vivre avec. En apprenant à les identifier, à les rechercher ou au contraire à les éviter, je peux aujourd'hui limiter ma fatigue et savoir comment les interpréter correctement. C'était aussi le moyen de comprendre mes particularités et de les faire comprendre aux autres. J'espère que cet exemple aura permis de vous éclairer.





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