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Quand ma bipolarité résiste aux traitements

  • moi
  • 15 mai
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 juin

Ca me perturbe encore parfois d'entendre des bipolaires dire qu'ils ne prennent qu'un traitement ou qu'ils l'ont trouvé vite. Je sais que cela existe, on m'a dit qu'un tiers des bipolaires étaient pleinement réceptifs au lithium par exemple. Pourtant ce n'est clairement pas mon cas et cela modifie forcément ma vision de mon trouble et de la manière de le traiter. Savoir que ma bipolarité est résistante aux traitements a posé encore d'autres questions. Lors de ma dernière hypomanie, j'ai dû rechanger de traitement. Mon pilulier journalier atteint donc les 16 comprimés dont 5 molécules différentes pour la bipolarité. Et cela joue sur ma manière d'envisager mon trouble et mon rétablissement.


Inefficacité et effets secondaires


Dans mon cas, j'ai eu deux problèmes avec un certain nombre de traitements. Certains n'étaient pas efficaces donc soit je rechutais soit ils n'arrivaient pas à me sortir d'une dépression. Et pour d'autres, j'avais des effets secondaires tels que je ne pouvais pas continuer à les prendre. Je me suis donc retrouvé en quelques mois à essayer la plupart des médicaments indiqués pour la bipolarité. Je ne vais pas faire la liste ici mais j'ai dû prendre à un moment ou à un autre quasiment tous les thymorégulateurs, la moitié des anti-psychotiques existants et quatre ou cinq antidépresseurs.

Les conséquences de ces changements de traitements à répétition sont d'abord évidemment qu'il est difficile de stabiliser ma bipolarité. Si les traitements ne marchent pas, ou mal, les prendre ne m'empêche pas de rechuter. Et pour les fois où j'ai mal réagi à un médicament, les effets secondaires devenaient un problème à traiter en eux-mêmes. C'était donc la double peine : les psychiatres peinaient à stabiliser ma bipolarité et devaient aussi traiter des effets secondaires parfois aussi grave que ma rechute.

Cette difficulté à trouver un traitement efficace a donc un impact direct sur mon trouble et sa stabilisation. Mais elle m'a aussi fait me poser diverses questions sur mon rapport à ces traitements. Qu'est-ce que je ressens au bout du dixième essai ? Comment envisager de prendre encore un nouveau médicament ? Puis-je penser qu'un jour je serai réellement stabilisée ? C'est de cet impact indirect, qu'on imagine peut-être moins, que je voudrais parler.


Dépression, sentiment d'incurabilité et résistance aux traitements


Une idée qui revient dans chacune de mes dépressions et qui alimente mes idées noires est que je ne guérirais pas. Cette idée d'incurabilité est fréquente dans les dépressions mais chez moi elle est particulièrement présente. Je vais ainsi considérer que je serais en dépression toute ma vie et qu'il n'y a rien à faire pour en sortir. Cette croyance est irrationnelle (comme toute idée noire pendant une dépression) mais elle est alimentée par ma résistance aux traitements. De fait, on ne peut pas essayer de me raisonner en me disant qu'on va trouver un traitement puisque j'ai le sentiment assez légitime d'en avoir essayé la plupart. Dans les cas les plus graves, les médecins semblent d'ailleurs eux-mêmes dépassés et sans solution. Tout cela ne peut que contribuer à renforcer mon sentiment qu'il n'y a pas de solutions.

De même, le fait d'enchaîner des essais de traitements inefficaces renforcent mes symptômes dépressifs. A force d'espérer que le nouveau traitement soit le bon, je me suis souvent sentie découragée devant un énième échec. Il m'est aussi arrivé de me demander si ce n'était pas de ma faute si le traitement ne marchait pas. Les médecins alertent souvent sur le risque de rechute en cas d'arrêt d'un médicament mais on parle moins des rechutes quand le traitement est inefficace. Rapidement, j'ai pu me sentir isolée, et assez incomprise. Cela n'aide pas à avoir confiance que de voir les médecins changer d'avis et de médicaments en permanence.


Arrêter de croire au médicament miracle


Cela m'a forcé à revoir la manière dont je considérais les traitements. Je reste convaincue de leur utilité, là n'est pas la question. Mais j'ai fini par admettre que contrairement à ce que je pouvais penser au départ, ma psychiatre ne trouverait peut-être jamais la molécule parfaite. Quand j'ai été diagnostiquée, avec à la clé mon premier thymorégulateur, les médecins laissaient entendre que je pourrais être stabilisée avec cette seule molécule. Ou du moins, si ce n'était pas celle-là la plus efficace, ils avait en tête qu'on en trouverait une autre.

C'est sans doute moi qui aie voulu espérer que ce serait si facile. Mais je dois admettre aujourd'hui que j'ai plutôt l'impression que mon traitement sera une suite de rééquilibrage. Entre mes ordonnances à rallonge, les changements de dosage au gré des phases et les ajouts quand ma bipolarité semble brutalement plus réactive qu'avant, cela donne l'impression d'un bidouillage que plus grand-monde ne comprend.

J'ai souvent du mal à suivre mais j'ai pris le parti d'acter que c'était ce fonctionnement qui me permettait d'être stable. Ca varie, c'est contraignant et parfois un peu incompréhensible mais globalement ça marche. Et c'est moins déprimant de me dire cela que de faire en boucle la liste des tentatives et des échecs.


Ce que je peux faire entre deux changements de traitements


J’ai donc fini par admettre que je n’avais pas de prise sur le fait qu’un traitement agisse. Parfois j’ai beau tout prendre correctement, je rechute. Mais cela ne veut pas dire que je n’ai de prise sur rien. Justement, plutôt que de déprimer en ayant l’impression d’un éternel recommencement à zéro à chaque changement de traitements, je préfère me concentrer sur les moments où je perçois une variation dans mon trouble.

Je me connais mieux, ce qui me permets d’anticiper. Plutôt que d’espérer un médicament qui fonctionne tout le temps, autant voir venir les changements et les prendre en compte. Donc l’enjeu est celui de n’importe quel bipolaire : apprendre à repérer les tout premiers signes de rechutes pour les prendre en charge au plus vite. Mais il est peut-être plus nécessaire encore, du fait de la résistance aux traitements.

C’est le meilleur moyen de prévenir les rechutes et c’est aussi le meilleur moyen de ne pas se sentir dépassé avec l’impression que rien n’agit. C’est sans doute l'expression de mon besoin de garder le contrôle sur mon trouble mais cela m’empêche de déprimer.



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