Hérédité des troubles psy : y a-t-il un gène de l'autisme ou de la bipolarité ?
- Rédactrice d'autiste et bipolaire
- 8 sept.
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Invariablement, quand je suis face à un nouveau psychiatre, il me demande mes antécédents familiaux. Je me retrouve donc à parler de l'alcoolisme d'une grand-mère et de la dépression de l'autre. Ce simple échange devrait me permettre de conclure que mes troubles doivent être héréditaires. Pourtant, ce n'est pas si simple puisque mon frère semble avoir échappé à la loterie de la génétique. Il n'y a donc pas de concordances exactes mais il me paraît important de détailler ce que l'on sait ou non à ce sujet.
Héritabilité plutôt qu'hérédité
En psychiatrie, on parle d'héritabilité plutôt que d'hérédité. En effet, l'hérédité implique qu'un parent transmette le gène de l'autisme, de la bipolarité ou autre à son enfant. Hors cela n'a rien d'automatique. Il est impossible le pourcentage de chance de transmettre son trouble à ses enfants. Par contre, on sait que les troubles psy sont liés à un facteur génétique. Et l'héritabilité est précisément le moyen de calculer cet impact. De manière très simplifiée, l'héritabilité est un pourcentage indiquant à quel point la génétique joue un rôle dans la transmission d'une pathologie dans un groupe donné par rapport à la norme. Ainsi plus le pourcentage est haut, plus il y a de chances d'avoir un trouble si un autre membre de la famille en a un.
Pour prendre un exemple plus précis : des études ont montré que l'héritabilité du TDAH est de 76%. Cela ne veut pas dire qu'à l'échelle individuelle le TDAH est héréditaire à 76%. Par contre, s'il ont prend un groupe de jumeaux dont l'un à un TDAH, on peut se dire que l'autre a 76 fois plus de risques de développer un TDAH que dans la population générale. C'est à dire que la part génétique prédomine largement, sans que cela explique les liens de causalités ou de transmission du trouble.
Pour donner d'autres chiffres, l'héritabilité du trouble bipolaire est approximativement de 60% et celle du TSA tourne autour de 80%. Quant au trouble panique, on estime l'héritabilité à 44%. Néanmoins, en plus de s'intéresser à l'impact de la génétique pour chaque trouble, on peut voir assez vite que la question se pose aussi entre différents troubles.
Plusieurs gènes impliqués et surtout plusieurs troubles pour un gène
Mise à part quelques maladies monogéniques entraînant des formes d'autisme, comme le syndrome de l'X fragile, la composante génétique des troubles psy est multiples. Dans le cas de l'autisme, plus de 200 gènes ont été identifiés. Néanmoins, une partie de ces variants se retrouvent aussi dans la population générale. Pour le TDAH, il y aurait probablement des milliers de variants impliqués, du fait de la grande hétérogénéité du trouble. Quant au trouble bipolaire, les chercheurs ont identifié une soixantaine de marqueurs génétiques. Ainsi, chaque gène augmente la vulnérabilité au déclenchement du trouble sans en être l'unique cause.
L'autre aspect de cette composante génétique multiple est qu'une partie des gènes sont communs à au moins deux troubles. On estime ainsi que la moitié des personnes ayant un TSA ont un TDAH. Certains gènes semblent impliqués à la fois dans l'autisme et la bipolarité. Quant aux addictions, il est connu qu'avoir un parent alcoolique est un facteur de risques de bipolarité. Ce sont des recherches encore peu développées mais qui ouvre la voie à une meilleure compréhension des comorbidités.
L'épigénétique : où comment l'environnement modifie l'hérédité
Jusque là, je me suis contenté de parler du génome sans m'intéresser du tout aux autres facteurs. Pourtant, contrairement à ce que l'on peut penser, le génome interagit avec les facteurs environnementaux. Et l'épigénétique joue précisément un rôle dans l'expression des troubles psy. Concrètement, il s'agit de l'ensemble des mécanismes modifiant l'expression d'un gène, ce qui nous éclaire sur des modifications de génomes induites par l'environnement. Pour reprendre la question de l'héritabilité, c'est en partie ce qui explique que des jumeaux monozygotes n'aient pas les mêmes troubles. On peut citer comme autre exemple le risque accru de développer un trouble psychique chez les enfants traumatisés ou les épisodes psychotiques à la suite de consommation de toxiques. Dans la bipolarité ou la schizophrénie, on commence à identifier des différences en terme de réponse aux traitements, voire des sous-catégories de troubles. Et dans l'autisme, l'épigénétique serait impliquée dans l'expression de gènes en lien avec l'ADN. Tout cela permet une compréhension plus fine de la génétique des troubles psy.
Il n'y a donc pas un seul gène déclenchant un trouble même si l'hérédité joue un rôle. Il y a donc bien une utilité à faire son historique familial pour mieux comprendre ses propres troubles. Et personnellement, j'espère qu'on aura un jour assez de connaissances sur le sujet pour mieux dépister et traiter ces troubles.


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