Mettre en place une nouvelle habitude
- Rédactrice d'autiste et bipolaire
- 26 août
- 5 min de lecture
C'est un sujet qui dépasse de loin les troubles psychiques et qui ne concernent pas seulement les autistes ou les bipolaires. Se mettre au sport, changer son alimentation, arrêter de fumer... sont autant de bonnes résolutions que tout le monde peut être amener à prendre. Et s'il existe de nombreuses méthodes pour s'y mettre, certains outils se retrouvent notamment dans les psychothérapies.
En effet, les troubles psy compliquent autant qu'ils rendent souvent indispensables la question de changer d'hygiène de vie. Les symptômes dépressifs ont un impact sur la motivation à entreprendre un changement. Les difficultés organisationnelles, par exemple liées au TDAH, rendent plus compliquées le maintien d'une nouvelle routine. Et à l'inverse, on sait combien une bonne hygiène de vie, de sommeil notamment, est primordiale dans le cadre d'un trouble bipolaire. Et combien la mise en place de routines claires est un facteur qui facilitent la gestion de l'autisme.
C'est donc dans le cadre de mes troubles que j'ai été amenée à réfléchir aux mécanismes qui permettent la mise en place d'une nouvelle habitude. Et c'est grâce aux outils et explications que je veux partager aujourd'hui que j'essaie de changer un quotidien qui me paraissait bien enraciné.
Comprendre les étapes d'un changement : le cercle de Prochaska et Di Clemente
On peut essayer de changer brutalement toutes ses habitudes mais on se rend vite compte que c'est rarement efficace. Personnellement, si j'essaie de décortiquer ma motivation à changer, je me rends compte que je passe par plusieurs phases. Et je sais désormais qu'il existe des modèles en psychologie explicitant les différentes étapes entre le moment où je commence à vouloir changer et celui où j'y parviens.

Le cercle de Prochaska et Di Clemente (ou modèle transthéorique de changement) permet de visualiser ces étapes.
La pré-contemplation correspond à l'étape où on n'envisage pas de changer. Cela peut-être parce qu'on n'en voit pas l'intérêt ou parce qu'on pense que c'est impossible. Dans mon cas, c'est souvent à cause de problèmes de fonctions exécutives.
La contemplation se définit comme l'étape d'ambivalence entre l'envie de changer et l'évaluation des freins qui peuvent mettre à mal cette volonté.
La préparation correspond aux premières étapes du changement en lui-même, par exemple la prise de renseignement, l'élaboration d'un plan à court terme...
L'action est la mise en place de la nouvelle routine, souvent à travers plusieurs tentatives afin de trouver le comportement le plus favorable.
Le maintien est l'état auquel on considère que la routine est durablement installée, généralement au bout de trois mois.
Enfin, il me paraît utile d'insister sur le fait que la rechute fait partie intégrante du processus de mise en place d'un changement. Elle peut intervenir à tout moment et ne signifie jamais que le changement est impossible mais simplement que qu'instaurer une nouvelle routine n'est pas linéaire.
Connaître les phases de la mise en place d'un changement est le meilleur moyen de pouvoir le mettre en oeuvre. En sachant où l'on en est dans le processus, on peut avoir une idée de quelles actions entreprendre pour faciliter le passage à l'étape suivante.
Ce qui m'aide à chaque étape d'un changement
Précontemplation
Ici, dans la mesure où je ne veux pas changer, tous les discours pour m'en convaincre sont au mieux inefficaces, au pire contre-productifs. En effet, c'est la théorie du discours-changement et du discours-maintien. Plus on insiste sur l'utilité d'un changement, plus la personne va contre-balancer en s'attachant à son discours-maintien. Cela peut être utile de l'expliquer aux proches, afin d'éviter qu'ils se sentent obligés de pousser au changement.
Surtout que personnellement, quand je suis dans une phase de précontemplation parce que je me pense incapable de changer ou que je ne sais pas par où commencer, j'ai remarqué certaines choses utiles. Voir des personnes y arriver (surtout si elles ont des parcours similaires au mien) me permet d'avoir la preuve que c'est possible. C'est le principe de la pair-aidance notamment où les parcours de rétablissement des uns inspirent celui des autres.
Contemplation
Cette phase d'ambivalence est peut-être la plus difficile, surtout quand on a des troubles psychiques. Il faut gérer le fait qu'on est encore dans l'ancienne routine tout en se projetant dans la suivante. Avec mon autisme, ce n'est jamais très agréable, encore moins en y ajoutant l'anxiété sociale. A ce stade, ce qui fonctionne donc le mieux est de pouvoir inscrire dans un tableau tous les avantages et les inconvénients d'un tel changement. Je trouve que le mieux est de prendre le temps de tout écrire, même quand ils paraissent peu liés à la problématique de départ dès lors que mon esprit fait un lien. Par exemple, je pouvais inscrire comme avantage à "prendre ma douche régulièrement" le fait d'avoir l'occasion de tester de nouveaux parfums de gels douches. C'est aussi là qu'on voit l'utilité des spécificités de chaque trouble et ici des particularités sensorielles pour mettre en place un changement. A l'inverse, dans des situations très diverses, le regard des autres me pèse trop pour que j'ose prendre une initiative différente de d'habitude, ce qui bloque mon changement.
A savoir qu'il vaut mieux commencer par les inconvénients à changer, sans forcément trop élaborer et ensuite inscrire les avantages, cette fois-ci en détaillant. De cette manière, cela me permet de renforcer l'image positif que j'ai du changement et d'aller contre mes réticences à me projeter.
Préparation
Avec le tableau élaboré dans la phase de contemplation, on dresse assez vite une liste des motivation et des freins au changement. Naturellement, on a tendance à renforcer les motivations à changer mais en réalité c'est souvent plus efficace de travailler sur les freins. c'est d'autant plus vrai dans mon cas que ce sont les mêmes freins qui reviennent dans plusieurs cas : mon anxiété sociale et mes difficultés exécutives. Agir sur ces problématiques permet d'éviter d'être très motivée mais bloquée par des symptômes dépassant ma seule volonté, ce qui aurait été très décourageant. Alors commencer par travailler sur les freins paraissait plus long mais au final plus pérenne.
Si l'on prend l'exemple de ma volonté de manger plus équilibrée, je n'avais en effet pas vraiment besoin de me convaincre encore plus de ses bienfaits. Par contre, mes freins étaient d'ordre pratique, en terme de difficultés à faire les courses ou la cuisine et c'est en travaillant dessus que j'ai commencé à pouvoir passer à l'action.
Action et maintien
Dans les deux cas, les problématiques sont assez similaires. Outre le travail qui continue pour renforcer la motivation et lever les freins à celle-ci, je met en place des techniques pour maintenir la routine jour après jour. Dans mon cas, cela passe beaucoup par des applis de gestion des tâches, des alarmes, des suivis qui me permettent d'être satisfaite de m'y tenir jour après jour. Dans le cadre d'un TDAH, cela me paraît tout simplement nécessaire. L'entourage joue un rôle ambivalent parfois mais dans mon cas son appui a été utile pour valoriser mes efforts au début et les inscrire dans des possibilités plus large.
Un aspect important est de garder en tête qu'une rechute ponctuelle est possible et que cela ne signe pas la fin de tous les efforts entrepris.
Maintenant que je connais les principes pour mettre en place une nouvelle habitude, je suis plus à même d'y parvenir. Néanmoins, il me paraît important de souligner que chacun a son rythme et qu'il ne vaut mieux pas se précipiter, au risque de se décourager. Personnellement, je suis encore loin d'avoir changé tout ce que je voulais dans mes routines mais je l'envisage beaucoup plus sereinement qu'avant. Et je me rends compte que je peux y arriver malgré mes troubles.

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